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Bertrand Delanoë
Aujourd'hui : 10/04/01 J30
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Le projet pour Paris
URBANISME : CHANGER DE LOGIQUE ET DE M�THODE

A Un bilan n�gatif

B Cr�er un urbanisme d�mocratique

C Faire respirer Paris

D Une politique de long terme, �quilibr�e entre am�nagement des quartiers de la Ville et les fonctions d�une m�tropole internationale

On dispose maintenant d�un recul suffisant pour juger sereinement la politique urbaine de la municipalit� parisienne : presque 25 ans. Ce bilan est n�gatif, et chacun de ses �l�ments inspire nos propositions : pour un urbanisme d�mocratique, pour faire respirer Paris, pour engager une politique de long terme.

A Un bilan n�gatif

Ni d�mocratie, ni respect des habitants. Les processus de d�cision de la Ville sont opaques marqu�s par la culture du secret et les m�thodes technocratiques. Les r�sultats de cette obstination autoritaire sont patents : op�rations de r�novation conduites brutalement, faible prise en compte des r�alit�s des quartiers, marginalisation des associations dans les d�cisions, poursuite de la destruction des quartiers populaires et de l'organisation de la s�gr�gation spatiale. M�me les �checs de la Droite en 1995 n�ont pas suffi � modifier ces sch�mas : le semblant de concertation affich� ensuite ne fut qu�un repli tactique.

Une politique fonci�re injuste, incoh�rente et actuellement insuffisante. La ma�trise du foncier est un levier essentiel d�une politique coh�rente d�urbanisme : elle permet de constituer des r�serves pour pr�parer l�avenir, de limiter la sp�culation et d�acqu�rir les terrains et immeubles permettant d�installer services publics, espaces verts ou logements � loyer mod�r�. Pendant de longues ann�es, la politique de la Ville a consist� � pr�empter des lots dans des immeubles souvent v�tustes, en pr�vision d�op�rations futures d�urbanisme, puis � les " oublier " avec les cons�quences qu�on peut imaginer : manque d�entretien, d�gradations rendant la vie impossible aux locataires et copropri�taires restants, squats, etc. Ces pratiques toujours en vigueur se doublent maintenant d�un quasi abandon de la politique fonci�re, la Ville consacrant actuellement au foncier environ 200 millions par an, contre 600 � 800 millions dans certaines des ann�es 1980.

Une densification continuelle. Paris est l�une des villes les plus denses du monde (20 400 habitants au km2) Cette densit� est ressentie par tous les Parisiens, et constitue un frein au d�veloppement d�espaces verts, � l�installation d��quipements sportifs consommateurs d�espace, ou tout simplement � une vie plus a�r�e. Loin de corriger progressivement cet h�ritage en tentant de mieux �quilibrer le territoire parisien, la Ville a c�d� de mani�re permanente � la pression du march�, qui pousse �videmment � densifier. Livr�e � l'automobile, la voirie parisienne occupe une surface particuli�rement importante, la moindre " dent creuse " donne lieu � construction, l'urbanisme de dalle et les r�novations multiplient les m�tres carr�s par rapport aux b�timents pr�existants. C'est donc un autre partage de l'espace urbain qu'il faut promouvoir.

Le nivellement architectural par le bas est l�un des aspects les plus tristes de cette fr�n�sie de r�novation urbaine. La forme urbaine de Paris, plus que celles d�autres villes europ�ennes, est constitu�e d�h�ritages parfaitement identifi�s et dont la richesse cr�e la beaut� si particuli�re de cette ville : immeubles du XVIIIe ou du XIXe d�avant Haussman, fa�ades haussmanniennes, architectures des anciens faubourgs, etc. On ne compte plus les destructions de pans entiers de cet h�ritage, permettant de fructueuses op�rations immobili�res. Ce n�est qu�au prix de combats acharn�s que des habitants, des associations � et les �lus d�opposition � parviennent parfois � faire reculer la Ville.

Mais en m�me temps, cet h�ritage a �t� remplac� par des ensembles � l�architecture contestable. Que l�on songe, par exemple, � la m�diocrit� architecturale des ZAC qui ont fleuri sur le territoire parisien dans les ann�es 1980 et 1990 !

Une grave p�nurie d�espaces verts caract�rise Paris. Si l�on excepte Boulogne et Vincennes, excentr�s, chaque Parisien dispose en moyenne de 2,5 m2 d�espaces verts contre 25 � Vienne, 13 � Berlin, et 9 � Rome. En outre, leur r�partition est profond�ment in�gale : 6 arrondissements comptent moins d�1 m2 par habitant, 4 arrondissements entre 1 et 2 m2. La surcharge des jardins par beau temps prouve amplement combien souffrent de cette raret� les Parisiens, notamment les enfants et les adolescents, qui cherchent en permanence � �chapper au bruit, � la voiture, � la pollution atmosph�rique, � la laideur, � la salet�. Paris est l�une des villes au monde o� ces aspirations profondes ont �t� le plus n�glig�es. L�espace vert est aussi un lieu de gratuit� et d��galit�. Or la politique municipale dans ce domaine est profond�ment insuffisante, puisqu�elle cr�e � peine 5 d�cim�tres carr�s par habitant et par an.

B Cr�er un urbanisme d�mocratique

La transparence la plus grande s�impose pour toutes les d�cisions d�urbanisme, d'habitat et de circulation : celles-ci, fa�onnant � long terme le visage de la ville, doivent �tre longuement m�ries et d�battues entre les �lus, les citoyens et les associations. Or, la premi�re condition d�un d�bat loyal est l�honn�tet� et l�exhaustivit� de l�information.           

La concertation est un imp�ratif absolu. L�urbanisme a longtemps repos� sur des " gouvernements de ville " autoritaires, disposant de pouvoirs �tendus pour imposer le changement. � Paris, cette vision a �t� pouss�e jusqu�� la caricature. Mais les temps ont chang� : l�urbanisme contemporain est confront� � des groupes sociaux tr�s diversifi�s, des territoires socialement et spatialement h�t�rog�nes, une vie associative foisonnante et des aspirations nouvelles des citadins. Aujourd�hui, l�am�nagement urbain n�cessite de nouvelles formes de conception et de mise en �uvre des d�cisions publiques capables d�associer, de mobiliser des habitants, des usagers, et des experts en amont et en aval des prises de d�cision. En outre, les citoyens ont droit, dans toute op�ration o� un choix existe, � la pr�sentation objective des diverses solutions. Ce sont ces nouveaux principes que nous voulons mettre en �uvre. Il ne s�agit nullement de d�poss�der les �lus de leurs responsabilit�s mais d�en finir avec le secret et l�autoritarisme.

En premier lieu, le Plan Local d�Urbanisme, substitu� au Plan d�Occupation des Sols par la nouvelle l�gislation, sera l�occasion d�une pr�sentation claire des diverses options, compr�hensible par tous, avec la communication la plus large de tous les documents pr�paratoires.

Ensuite, les " p�rim�tres prioritaires d�intervention " pr�vus dans ces nouveaux Plans Locaux d�Urbanisme pourraient s�attacher � r�parer les plus graves erreurs des 30 derni�res ann�es, comme celles commises place des F�tes ou aux Halles.

 

Enfin, la d�centralisation dans les arrondissements s�impose pour certaines d�cisions, certains d�bats, certaines politiques que l�on ne peut conduire qu�au plus pr�s des habitants. Outre les modifications � la loi PML que nous proposons, d�autres voies existent. Nous m�nerons ainsi une r�forme des services municipaux en charge de la conception et de la mise en �uvre des projets d�urbanisme. Ces grandes directions verticales de la Ville seront dot�es d�antennes d�centralis�es au niveau des arrondissements. Chaque projet urbain d�une certaine envergure verra la nomination d�un chef de projet charg� d�informer, de dialoguer et de mener la concertation avec les �lus locaux, les riverains et les associations.

C Faire respirer Paris

La priorit� accord�e aux espaces verts est indispensable, pour les raisons de sant� et de qualit� de vie que nous ressentons tous profond�ment. L�objectif de la Ville doit �tre simple : qu�� terme chaque Parisien dispose d�un espace vert � proximit� de son domicile.

L�effort global doit �tre autant que possible doubl� et port� � 20 hectares par an. Ce rythme permettrait de rattraper les autres grandes villes europ�ennes.

Les espaces verts de proximit� doivent se multiplier. La Ville doit faire jouer son droit de pr�emption d�s que s�offre l�opportunit� d��tablir un espace vert dans un secteur qui en est d�pourvu, et inscrire au PLU de nombreuses " r�serves d�espaces verts ". En outre, le nouveau partage de l�espace, le recul de la voiture et des op�rations de requalification urbaine doivent permettre de cr�er des plantations diss�min�es, changeant la physionomie de grandes art�res. Enfin, l�emprise fonci�re de la Petite Ceinture, doit recevoir � au moins sur certains tron�ons � des am�nagements verts et de loisir.

La cr�ation de quelques grands parcs doit �tre envisag�e. Ce sont eux les vrais sanctuaires de calme, refuges contre toutes les pollutions urbaines. La diff�rence avec les petits espaces verts de quartier n�est pas seulement de surface mais de nature. Un grand parc de 10 hectares s�adresse � tous les �ges et cumule plusieurs fonctions : repos, jeux, sports, pi�ces d�eau, etc. Or Paris est cruellement pauvre en grands parcs, par comparaison avec les autres capitales. La municipalit� a pr�f�r� livrer une large part des grandes surfaces lib�r�es (Halles) au commerce, aux bureaux et aux logements chers, plut�t que de cr�er de tr�s grands parcs. Dans ce domaine, trois grands projets pourraient �tre mis � l��tude et r�alis�s progressivement :

1) Cours du Maroc, sur les terrains de la SNCF qui s�parent les XVIIIe et XIXe arrondissements, doit �tre men� � bien le projet des jardins d��ole, consistant en un parc d�environ trois hectares, c�est-�-dire la superficie du parc Andr� Citro�n dans le XVe. Ce projet, largement engag�, � l�initiative des deux maires du XVIIIe et XIXe, permettrait enfin de disposer dans le Nord-Est parisien d�un v�ritable poumon vert � c�t� des Buttes-Chaumonts.

2) Berges de la Seine. L�objectif, ici, est de les rendre totalement ou partiellement aux promeneurs et de relier d�ici 15 ans le Trocad�ro au pavillon de l�Arsenal par une trame d�espaces verts.

3) Grand parc des Batignolles sur tout ou partie des terrains SNCF reliant l�actuel jardin des Batignolles, les voies de la gare Saint-Lazare recouvertes et les entrep�ts des d�cors de l�Op�ra. Ce pourrait �tre le plus grand parc de Paris apr�s Boulogne et Vincennes d�congestionnant les XVIIe et XVIIIe arrondissements et cr�ant une transition verte vers Clichy.

            Les " espaces verts int�rieurs prot�g�s " (EVIP) ne sont pas toujours encourag�s ni sauvegard�s. Les moyens de contr�le ou de contrainte dont dispose la Ville doivent �tre employ�s pour �viter la disparition ou l�amputation " discr�tes " de ces espaces qui contribuent � l��quilibre �cologique de Paris. Dans le cadre des permis de construire, la Ville doit contraindre les promoteurs � cr�er de nouveaux EVIP. L�ouverture de ces espaces au public sera recherch�e � travers deux leviers : n�gociation avec les propri�taires publics (h�pitaux, HLM, Minist�res, etc.), conclusion de conventions entre la Ville et les propri�taires priv�s.

            La mise en r�seau progressive des espaces verts avec des liaisons exclusivement pi�tonni�res et cyclables augmenterait la surface des espaces publics sans r�duire les zones b�ties.

Il faut, en outre, ma�triser et am�nager la densit� de Paris, � travers un ensemble de mesures d�effet progressif raisonn�es � l'�chelle du territoire de la capitale, et en ayant � l'esprit que compte tenu de l'exigu�t� de ce dernier, l'occupation de l'espace public doit �tre particuli�rement �conome.

C'est dans le cadre de ces orientations d'ensemble que des mesures drastiques pourront �tre �tendues pour n�accorder que de mani�re exceptionnelle un permis de construire sup�rieur (en m2) � celui de d�molir, r�viser � la baisse le coefficient d'occupation des sols (COS) de certaines zones d'urbanisation en cours, limiter les hauteurs d'immeubles, l�adjonction d��tages suppl�mentaires par rapport � l�environnement �tant une m�thode courante de densification. Cette politique ne contredit en rien l�imp�ratif d��volution de la ville, ni la construction d��quipements publics ou de logements � loyer mod�r� : elle les encadre seulement dans une contrainte indispensable pour la beaut� de la ville et le bonheur des habitants. Changer d�air, c�est aussi sauvegarder l�espace.

D Une politique de long terme, �quilibr�e entre am�nagement des quartiers de la Ville et les fonctions d�une m�tropole internationale

Quel domaine plus que l�urbanisme exige une prise en compte des exigences de long terme ? Red�finir un projet urbain pour Paris suppose, par ailleurs, que l�on tienne compte en permanence de deux �chelles : celle des quartiers, des cit�s, celle d�une ville centre d�une m�tropole mondiale qui n�cessite des projets urbains structurants.

Quartiers et cit�s : les Parisiens se sentent d�abord concern�s par l��tat et l��volution des quartiers o� ils vivent. Or nous refusons que la capitale se r�duise � la juxtaposition de quartiers dont les uns seraient bien entretenus et soigneusement �quip�s parce qu�ils b�n�ficient de toutes les attentions client�listes, alors que d�autres s�enfonceraient dans le sous-�quipement. Pour ces derniers, apr�s expertise objective et d�finition de crit�res convenables, nous mettrons en �uvre, sur la dur�e de la mandature, un plan de remise � niveau des services et �quipements de proximit� municipaux (cr�ches, haltes garderies, terrains de sport, �quipements pour la jeunesse...). Il nous faudra aussi, dans ces quartiers, aider � la mobilisation des locaux commerciaux dont un trop grand nombre sont inoccup�s, ce qui contribue � leur d�sertification.

Des projets urbains structurants devront �tre engag�s, sachant que leur accomplissement d�passe la dur�e d�une mandature :           

            Requalifier la ceinture des Mar�chaux, qui d�limite sur 33 km, avec le p�riph�rique, une zone urbaine largement n�glig�e, alors qu�y vit 1/6 de la population parisienne. La Ville porte une responsabilit� �vidente dans cette �volution pr�occupante : 40 000 logements y d�pendent d�elle. Cette requalification devra porter sur la circulation, le mobilier urbain, l�am�lioration des conditions de logement et le traitement des cit�s d�j� �voqu� en associant les bailleurs sociaux. Une "Op�ration de Renouvellement Urbain" sur cette ceinture sera n�goci�e avec l'�tat.

            R�am�nager les 52 carrefours et portes d�entr�e, en commen�ant par les plus d�grad�s. Certaines de ces portes sont quasiment � l�abandon et livr�es � l�anarchie commerciale et urbanistique. Un plan d�am�nagement progressif sera �tabli et mis en �uvre avec les 21 communes limitrophes.

            R�am�nager le Centre-Ville. Le d�veloppement du tourisme y acc�l�re les mutations commerciales et la sp�culation a profond�ment chang� la sociologie. Diversifier l�offre de logements et installer des activit�s qui ne soient pas strictement commerciales devrait " mus�ification ".

            Refondre les grandes places de Paris, qui sont devenues de v�ritables �changeurs urbains. Une charte d�am�nagement de ces places (Bastille, R�publique, Nation, Op�ra, �toile, Ch�telet, Italie, Denfert-Rochereau, Clichy, Stalingrad, Montparnasse, Saint-Lazare...), pr�par�e dans la concertation, sera mise en �uvre.

Cette politique n�cessitera l�utilisation d�instruments sp�cifiques :

Une v�ritable politique fonci�re est la condition sine qua non pour contr�ler l��volution de la ville et concr�tiser nos objectifs en �quipements, logements ou espaces verts. Nous proposons de ramener les cr�dits de pr�emption � 600 millions par an, c�est-�-dire � leur moyenne des 23 derni�res ann�es, contre 180 millions en 1999. En outre, le p�rim�tre des zones d�intervention fonci�re sera �largi. Il est enfin imp�ratif de relancer avec l�appui du Gouvernement des n�gociations sur l�avenir de terrains importants poss�d�s par des administrations d��tat, l'Apr.-HP ou de grandes entreprises.

La conservation du patrimoine doit �tre une pr�occupation constante de la municipalit� sans pour autant tomber dans une vision pass�iste de la Ville :

Un plan syst�matique de pr�servation ou de reconversion, sera mis en �uvre en concertation avec les riverains des diff�rents quartiers, dans le cadre - jusqu�ici jamais utilis� - des zones de protection particuli�re, combinant contraintes juridiques et avantages fiscaux. Une attention particuli�re sera port�e � certaines d�corations int�rieures, de mani�re � �viter les destructions de ces derni�res ann�es, lors de la r�novation d�immeubles. Il ne s�agit aucunement de transformer Paris en ville � mus�e, mais au contraire d�assumer la diversit� architecturale et la recherche contemporaine. Cette politique sauvegardera ce qui m�rite de l��tre dans l�h�ritage et le visage traditionnel de Paris tout en favorisant la mixit� urbaine et la cohabitation de formes architecturales anciennes et contemporaines.

L�avenir urbain de Paris ne peut pas se concevoir sur son seul territoire. Nombreux sont les probl�mes d�urbanisme, d�habitat, de circulation et de transports qui n�cessitent des partenariats avec les communes voisines, au moins � l��chelle de la petite couronne. Il nous faudra travailler �troitement avec les communes de banlieue : la conf�rence des maires propos�e par ailleurs r�fl�chira en tout premier lieu sur ces probl�mes. C�est dans ce cadre que sera �labor� le Sch�ma de coh�rence territoriale que la loi a substitu� au SDAU.
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